À la suite de la visite apostolique du pape François au Canada en juillet, nous avons voulu en savoir plus sur le travail qui est accompli par les personnes chargées de mettre en œuvre le mouvement national en cours de vérité et réconciliation dans les écoles catholiques.
Au début de l’automne, nous avons eu le privilège de nous entretenir avec Cynthia Launière, superviseure de l’équipe d’éducation autochtone du Calgary Catholic School District (CCDS). L’objectif était d’obtenir plus de détails sur les initiatives liées à l’éducation autochtone et au mouvement en cours de vérité et réconciliation au sein du CCDS. Nous sommes profondément reconnaissants à Cynthia de nous avoir donné un bon aperçu de l’incroyable travail qu’elle accompli avec son équipe d’éducation autochtone.
Vous trouverez ci-dessous la transcription de notre conversation avec Cynthia, qui a porté sur les travaux de son équipe et de ses effets au sein du CCSD. Nous espérons que ce travail formidable sera une source d’encouragement pour tous les intervenants de l’éducation catholique ainsi qu’une source d’inspiration permettant de continuer de travailler ensemble et d’apporter des changements positifs par la voie de l’éducation.
1. Pourriez-vous nous décrire plus en détail votre fonction de superviseure dans le portefeuille autochtone?
Je suis la superviseure de l’éducation autochtone dans les 117 écoles du CCSD. Mon portefeuille est très particulier, car mon équipe travaille avec tous les élèves autochtones et leurs familles, ainsi qu’avec tous les enseignants et élèves non autochtones souhaitant découvrir les cultures, les traditions et les modes de vie autochtones du territoire visé par le Traité no 7. Dans le programme scolaire, mon équipe s’occupe de l’enseignement et de l’apprentissage. Elle offre aussi des possibilités de perfectionnement professionnel aux enseignants et au personnel du CCDS, ce qui a un effet direct sur l’apprentissage des élèves autochtones et non autochtones.
L’équipe chargée de l’apprentissage est composée d’un enseignant-consultant et de deux enseignants du district, qui s’occupent d’intégrer les connaissances autochtones dans les salles de classe. Ils sont présents quotidiennement dans les écoles pour épauler les enseignants. Nous disposons également de trois responsables des liaisons culturelles autochtones qui favorisent l’apprentissage des cultures autochtones et aident les élèves dans leurs études et l’obtention d’un diplôme.
L’autre partie de mon équipe centre ses efforts sur l’apprentissage diversifié en apportant un soutien à tous les élèves autochtones. Elle comprend un aîné, un enseignant-consultant et deux spécialistes du mieux-être autochtone qui épaulent les enseignants, aident les élèves autochtones à réussir dans leurs études, répondent aux besoins d’apprentissage, appliquent des démarches culturelles et fournissent un soutien en matière de santé mentale (en raison du traumatisme intergénérationnel).
Les dix membres de mon équipe sont des Autochtones originaires de diverses régions du Canada. De ce fait, ils font profiter les élèves et le personnel des richesses de leur bagage culturel respectif et facilitent la compréhension d’évènements passés et actuels concernant les Autochtones.
L’équipe a eu un effet considérable au sein du CCDS en travaillant à la réconciliation aux côtés de tous les employés.
2. Comment ce poste a-t-il contribué à la mission en cours de vérité et réconciliation au sein du Calgary Catholic School District?
Mon équipe autochtone et moi-même sommes chargés de préparer les enseignants, le personnel et les élèves à la vérité et de les aider à trouver des moyens de travailler à la réconciliation.
Nous avons été chargés d’organiser des séances permanentes de perfectionnement professionnel, de préparer des vidéos, des activités, des formations et des travaux communautaires et d’établir des relations avec les communautés autochtones signataires du Traité no 7 qui fréquentent le CCSD.
Nous avons remis en question les préjugés inconscients les plus répandus. Nous avons aussi expliqué à chacun que nous traverserons cette épreuve tous ensemble. Cette explication est nécessaire car beaucoup de personnes se sentent coupables de ne pas avoir eu connaissance des pensionnats durant leur vie.
Notre rôle est également de favoriser le travail collectif durant ce parcours, c’est-à-dire accompagner le personnel dans sa prise de conscience et aider les élèves autochtones à acquérir des notions qui avaient été perdues à cause des pensionnats et de leurs séquelles. Nous consacrons du temps à leurs cultures, à leurs cérémonies, à leurs traditions, à leurs histoires, à leurs connaissances et à leurs langues. Nous avons hérité de l’épouvantable période des pensionnats, mais nous pouvons aller au-delà en réparant les relations. Nous pouvons combler l’écart en matière d’apprentissage en garantissant l’équité et un soutien aux élèves autochtones et en étudiant collectivement les 94 Appels à l’action.
Nous rappelons souvent au personnel les paroles prononcées par l’honorable Murray Sinclair : « C’est l’éducation qui nous a mis dans ce pétrin, et c’est l’éducation qui nous en sortira ». Nous avons la chance de pouvoir influer énormément et positivement sur l’avenir des élèves autochtones et non autochtones.
3. Quels sont les principaux enseignements que vous avez tirés de la visite du pape François au Canada en juillet? Y a-t-il un discours en particulier qui vous a marqué ou que vous nous recommanderiez de lire?
Il s’agit (ci-dessous) des excuses les plus favorables selon l’équipe de l’éducation autochtone.
Radio-Canada ‒ https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones/1900753/visite-papale-edmonton-maskwacis-autochtones-reconciliation
J’ai surtout retenu cette citation (ci-dessous).
« Je voudrais le répéter avec honte et clarté : je demande humblement pardon pour le mal commis par de nombreux chrétiens contre les peuples autochtones. » ‒ Pape François
Ses excuses venaient du cœur. Elles étaient véritables et ont été profondément ressenties. L’utilisation du mot « demande » m’a donné l’impression qu’il assumait les péchés de tous ceux qui l’ont précédé, qu’il s’agenouillait devant Dieu et qu’il admettait le caractère inacceptable du mal qui avait été fait aux Autochtones. Il l’assume en tant que chef suprême de l’Église. À ce titre, être présent au Canada, sur les terres où le drame s’est produit, était un acte essentiel.
4. Comment avez-vous aidé le personnel et les élèves à demeurer sur le chemin de la vérité et de la réconciliation cette année?
Mon département encourage tout simplement le personnel et les élèves à suivre le parcours de la Commission de vérité et réconciliation et à choisir une action afin d’y travailler quotidiennement.
Nous les avons orientés vers les 3 points centraux ci-dessous.
1. Activités personnelles — Vous êtes encouragé(e) à commencer par la lecture, le visionnage et l’écoute (travail personnel et professionnel).
2. Activités publiques — Vous êtes encouragé(e) à assister à des événements autochtones, tels qu’un pow-wow. Suivez en marchant, écoutez et apprenez (travail personnel et avec la classe).
3. Travail collectif—Vous êtes encouragé(e) à travailler avec des Autochtones à la réalisation de projets conçus et/ou dirigés par des Autochtones. Continuez d’apprendre et d’établir des relations. Invitez éventuellement des aînés et des gardiens du savoir (travail personnel et avec la classe).
5. Comment les élèves ont-ils participé à la Semaine nationale de la vérité et de la réconciliation?
Nous avons planifié un mois entier d’activités dans toutes les écoles. Les activités pouvaient être réalisées en classe ou hors de l’école.
Chaque école a envoyé un enseignant principal acquérir des connaissances auprès de notre département. L’objectif était que chacun reparte avec un sentiment de confiance et d’implication. Les enseignants ont reçu une liste de ressources, de livres et de liens pertinents à distribuer dans leur école. De nombreuses écoles se sont inscrites sur le site Web du Centre national pour la vérité et réconciliation pour recevoir des présentations quotidiennes en direct.
L’objectif de l’année est de travailler à la réconciliation tous les mois. Il s’agit d’un travail continu, non d’un événement d’une journée. Certains ont créé des jardins de guérison pour planter des plantes médicinales, tandis que d’autres ont ouvert une salle de purification pour donner libre cours aux formes de savoir autochtone et permettre aux élèves autochtones de prier selon leurs coutumes.
Le 30 septembre, Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, mon équipe d’éducation autochtone du CCDS a collaboré avec le conseil scolaire de Calgary et l’équipe de Calgary à une présentation destinée à tous les Calgariens sur la scène de Fort Calgary. En tant que survivante des pensionnats, l’aînée du district, Wanda First Rider, a prononcé une allocution. Nous avons également demandé à de nombreux élèves autochtones du CCDS de se joindre à nous, vêtus de leur costume, pour danser et rendre hommage au courage des survivants.
6. Que pensez-vous du rôle potentiel des écoles catholiques canadiennes dans la poursuite et l’entretien de la vérité et de la réconciliation?
Les écoles catholiques du Canada jouent un rôle important en offrant au personnel, aux parents et aux élèves des possibilités de s’épanouir quotidiennement dans la vérité et la réconciliation.
Nous prenons soin d’un lieu où nous travaillons naturellement et équitablement aux côtés des Autochtones. Nous avons la possibilité d’apprendre sans cesse des Autochtones et de décoloniser certaines de nos méthodes d’apprentissage. Ce sont des moyens de progresser ensemble.
L’aînée du district, Wanda First Rider, dit souvent : « Le moment est venu d’aller de l’avant ensemble. Il est temps que les non-Autochtones deviennent des alliés et qu’ils soutiennent et aiment les Autochtones du Canada ».
Premièrement, nous travaillons dans le domaine de l’éducation, où nous pouvons apporter le changement positif le plus important pour l’avenir.
Deuxièmement, étant donné que l’Église catholique a été un intervenant de premier plan dans les pensionnats, il est essentiel que nous jouions un rôle important dans la réparation des relations avec les Autochtones et que nous accordions une place à leurs cultures, à leurs langues, à leur mode de vie et à leur renouveau cérémoniel dans toutes les écoles catholiques de Calgary.
Troisièmement, les écoles catholiques pourraient aussi jouer un rôle important dans la création et la conception de cours de formation sur la vérité et la réconciliation destinés à l’Église ou aux prêtres, car ils travaillent également à une réconciliation positive et véritable pour aller de l’avant.
Œuvrer à la vérité et à la réconciliation est le rôle de tous les Canadiens et de l’Église ou des prêtres. Ce n’est pas seulement le rôle des enseignants et des élèves.
Nous sommes tous concernés. Imaginez la puissance collective que nous pouvons déployer pour atteindre un même objectif.
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Nous sommes profondément reconnaissants à Cynthia de nous avoir donné un aperçu du travail formidable accompli par le CCDS pour apporter un changement durable et fondamental dans nos écoles catholiques. Nous savons que l’éducation est essentielle pour favoriser une prise de conscience vis-à-vis du passé et pour s’orienter vers un avenir plus accueillant à la diversité dans nos écoles, notamment en ménageant une place importante à la culture et aux traditions autochtones.
Nous savons que des écoles au pays travaillent à l’atteinte de cet objectif commun d’un avenir meilleur. Nous prions pour que ce travail continue d’alimenter la réflexion et de susciter des mesures pour apporter un changement fondamental.
Continuons de travailler ensemble, comme un système scolaire catholique canadien uni, pour cultiver la vérité et favoriser la réconciliation, tout en demeurant fidèles à notre mission qui est des plus importantes.
L’ACCEC tient à remercier de tout cœur Cynthia et son équipe d’éducation autochtone du Calgary Catholic School District de nous avoir donné un aperçu de leur travail admirable. Ils constituent une véritable source d’inspiration pour toutes les personnes travaillant dans l’éducation catholique.
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