Depuis 2005, le cas Theodore soulève des questions de droit constitutionnel et remet en question le droit des élèves non-catholiques de fréquenter l’école catholique. Onze ans plus tard, la Saskatchewan Catholic Schools Boards Association attend d’un seul homme le verdict dont qui définira son rôle dans la province pour l’avenir.
Alors comment et pourquoi le cas Theodore est-il survenu?
L’ACCEC désire présenter un document d’information et une mise à jour. Voici comment tout a commencé, comment le procès s’est déroulé et son impatc éventuel sur l’éducation catholique au Canada.
Le contexte:
En 2005, la York School Division (maintenant la Good Spirit School Division #204 (GSSD)), a intenté une poursuite contre la Christ the Teacher Roman Catholic School Division #212 (CTRCSD) et le gouvernement de la Saskatchewan.
La plainte allègue que la création d’une nouvelle division scolaire après la fermeture de la Theodore Public School n’était pas conforme aux critères définissant une école séparée, à savoir, le fait de desservir les catholiques en tant que religion minoritaire dans la région. Elle maintient que la division n’a été créée que pour empêcher la fermeture de l’école et pour faire en sorte que les enfants n’aient pas à être transportés en autobus jusqu’au village voisin, et donc conteste la légitimité du statut de la division.
Leur argument est que la subvention par élève accordée à une division scolaire catholique pour les élèves non-catholiques est discriminatoire envers les écoles publiques selon la Charte des droits et libertés. En somme, ils prétendent qu’un élève non-catholique ne devrait pas avoir le droit de fréquenter une école catholique.
Par surcroît, selon les conseils scolaires publics, le mandat de l’éducation catholique en Saskatchewan est, ou devrait être, limité à l’éducation des élèves catholiques exclusivement. Par conséquent, ils s’opposent à ce que le mandat de l’école catholique soit inclusif et s’étende au-delà de la communauté catholique. Selon les conseils scolaires publics, l’existence, l’importance et la configuration du système scolaire séparé diminue l’accès du conseil public aux fonds publics et sa capacité de fournir et de gérer des services.
Cependant, ils ne contestent pas la validité de se prévaloir de la subvention équivalente par élève accordée aux élèves catholiques qui fréquentent l’école publique.
Depuis 2005, la GSSD a multiplié les requêtes à la cour pour amender sa plainte, élargir l’étendue de sa cause et ajouter des griefs. Maintenant, en plus de contester le financement, on remet en question les droits constitutionnels des divisions scolaires séparées des minorités confessionnelles de la Saskatchewan.
Que signifie tout cela? Essentiellement, qu’on ne devrait pas permettre aux élèves non-catholiques de fréquenter l’école catholique. La GSSD allègue que ces élèves ne devraient pas avoir le droit de choisir entre l’école catholique et l’école publique, et que le gouvernement ne devrait leur accorder qu’une voie, le système public.
Le procès de 12 semaines
Le procès de 12 semaines s’est déroulé à Yorkton à partir de novembre 2015. Ajourné après cinq semaines, il a repris en mai 2015 pour sept autres semaines (hormis quelques pauses). Lorsque le procès s’est conclu à la mi-juillet, il était clair que les trois parties en présence, le conseil scolaire public (le plaignant), le conseil scolaire catholique et le gouvernement provincial (les défendants), avaient soumis amplement d’information.
La GSSD (le conseil public) avait présenté 16 témoins et 300 soumissions. Pour ce qui est des transcriptions des délibérations, elles se chiffrent à 6 162 pages (35 volumes). Entre les trois parties, il y a eu plus de 600 pièces déposées en preuve – dont plusieurs comprenant des centaines de pages – et presque onze semaines de témoignages de la part de 16 témoins pour le plaignant (plus de sept semaines), 13 témoins pour le conseil scolaire catholique (plus de deux semaines et demie) et quatre témoins pour le gouvernement. Chaque partie a dû soumettre une argumentation finale de 95 pages ou moins. Les arguments finaux des trois parties ont duré presque trois jours.
La partie plaignante a mis neuf semaine à interroger ses témoins et présenter ses arguments, contre trois semaines seulement pour le gouvernement et le conseil scolaire catholique combinés.
« Ils ont été très méticuleux dans leur approche, » dit Ken Loehndorf, directeur général de la Saskatchewan Catholic School Boards Association, au sujet de la GSSD. « Par exemple, leur directeur de l’éducation a témoigné sur une période de sept jours. »
Selon Ken, leur objectif est demeuré imprécis pendant la plus grande partie du procès. Était-ce que les élèves non-catholiques ne devraient pas recevoir de subvention lorsqu’ils fréquentent l’école catholique? Était-ce que l’accès à l’école catholique devrait être interdit aux élèves non-catholiques et qu’ils soient forcés de fréquenter l’école publique?
« Jusqu’à la dernière semaine du procès, le juge leur a demandé de clarifier leurs demandes, » dit Ken. « Un autre point important que nous tentons de faire valoir depuis dix ans est qu’ils (le conseil public) ne possède pas la qualité de partie devant la cour, ce qui signifie qu’il n’a pas le privilège de remettre en question notre constitutionalité. La seule partie qui puisse poser des question sur son droit constitutionnel, c’est la minorité elle-même. »
En l’occurrence, cette minorité ne se compose pas des élèves non-catholiques qui fréquentent l’école catholique, mais bien des parents catholiques ou des contribuables qui ont le droit de constituer une division scolaire catholique s’ils représentent en fait une minorité dans le territoire scolaire où ils habitent. Le conseil scolaire public a répliqué en disant qu’ils ont la qualité de partie étant donné qu’il s’agit d’une question d’ordre public.
« Ils ont passé tout leur temps à essayer de démontrer qu’ils ont la qualité de partie devant la cour et qu’ils ont droit de poser des questions, » dit Ken. « Ils disaient que c’est une question de domaine public. Ils ne pouvaient pas démontrer qu’ils faisaient partie de la minorité, mais si un intérêt public marqué se manifestait, la cour pouvait leur permettre de poser leur question. Bien qu’une seule division scolaire ne soit inscrite comme la partie plaignante (Good Spirit), ils ont tenté d’attirer toutes les autres divisions scolaires publiques de la province pour démontrer l’existance d’un intérêt public. »
Le déroulement du procès
Ken Loehndorf a assisté au procès et il a entendu tous les témoignages. Malgré la longueur du processus, il dit avoir quité la salle d’audience avec une sentiment d’admiration.
« Quelle expérience d’apprentissage pour moi! Après 12 semaines, je suis ressorti avec un sentiment d’admiration pour le travail de nos prédécesseurs, » explique-t-il. « Ce qui m’a étonné, c’est la vision dont ils ont fait preuve à l’époque. » Il ajoute que les avocats de la défense ont travaillé avec acharnement pour faire en sorte que le juge comprenne bien la loi de la Saskatchewan de 1905 et son esprit. En plus des mises à jour historiques, le juge a entendu certains parents d’élèves non-catholiques qui fréquentent l’école catholique. « Ils ont témoigné de leur expérience et c’était vraiment émouvant. Le fait d’entendre ces parents faire valoir à la cour leurs fortes opinions et leur volonté d’envoyer leurs enfants à l’école catholique, c’était vraiment émouvant. C’était une vraie bénédiction, et je suis sorti en me sentant très bien par rapport à l’éducation catholique et ce qu’elle accomplit dans notre province. »
Les répercussions possibles au Canada
Même si Ken se dit optimiste quant à la décision du juge, il mentionne aussi que cette cause est cruciale dans l’histoire de l’éducation catholique, au niveau national aussi bien que provincial.
« Le cas Theodore pourrait avoir des répercussions importantes sur les système d’éducation catholique partout au Canada, plus particulièrement en Saskatchewan, mais aussi en Alberta et en Ontario, » dit Ken, car dans ces provinces, l’école catholique est entièrement subventonnée. « Si le juge se prononce contre le système catholique en Saskatchewan, cela pourrait vouloir dire que les élèves non-catholiques fréquentant l’école catholique ne seraient plus subventionnés, ou pire encore, qu’ils n’aient plus le droit de fréquenter l’école catholique.
Et cela soulèverait les mêmes questionnements en Ontario et en Alberta. »
Comment cette situation se distingue-t-elle du cas de Terre-Neuve-et-Labrador? Le demandeur n’est simplement pas le même. À Terre-Neuve, le gouvernement avait effectué un sondage demandant à la population d’indiquer son désir de subventionner les écoles confessionnelles à partir des fonds publics. La majorité des répondants avaient indiqué qu’ils « ne tenaient plus à l’école confessionnelle. » Parce qu’il s’agissait d’un référendum, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador pouvait prouver au gouvernement fédéral que la population ne voulait plus appuyer les écoles confessionnelles. Alors le gouvernement fédéral a modifié la constitution provinciale pour permettre le retrait de la subvention aux écoles confessionnelles, donc aux écoles catholiques. À Terre-Neuve,c’est le gouvernement provincial qui a initié le changement, ce qui n’est pas le cas en Saskatchewan.
Ici, ce sont les conseils scolaires publics qui battent la marche.
« Ils prétendent que les parents non-catholiques ne devraient pas bénéficier du choix, et que le gouvernement devrait les limiter au système public, » dit Ken. « Si le juge statue (en leur faveur), le pire scénario serait un chaos total dans le système d’éducation de la Saskatchewan, et nous perdrions immédiatement la majorité de nos élèves. »
Par contre, selon Ken, le système scolaire catholique se sent appuyé par le gouvernement provincial. « Nous avons récemment rencontré le ministre de l’Éducation, et il nous a confirmé que son gouvernement n’a aucune intention de se débarrasser du système d’éducation catholique. Nous avons l’appui du gouvernement et cet appui nous rassure grandement, » dit Ken, ajoutant que le verdict pourrait renverser cette situation. « Ceci dit, ce procès forcerait la main du gouvernement si la cour statuait contre le conseil scolaire catholique. »
Pendant que le cas Theodore se penche sur les droits constitutionnels, le conseil catholique continue de s’accroître. En septembre 2017, neuf nouvelles écoles catholiques ouvriront leurs portes dans quatre communautés de la Saskatchewan.
La décision du juge
Après 12 semaines de procès, le juge Layh doit encore revoir 6 162 pages de transcriptions et plus de 600 pièces déposées en preuve par les trois parties. À la fin, le juge a souligné qu’il se considérait privilégié d’avoir entendu cette cause. Il a insisté sur le fait qu’à son avis, cette cause est l’une des plus importantes de l’histoire de la province. Puisque les parties n’ont pas réussi à s’entendre, le verdict sera final et sans compromis.
« L’un des groupes sortira satisfait, et l’autre sortira déçu, » explique Ken. Si le jugement est favorable au système public, le juge devra définir ce que signifie être catholique. De cette façon, on saurait pour de bon qui peut et qui ne peut pas fréquenter l’école catholique. « En ce moment, il suffit d’une auto-déclaration pour les catholiques, et chaque conseil catholique possède sa propre politique d’admission pour les élèves non-catholiques. Pour statuer, il faudra que la cour définisse ce que signifie être un catholique. »
Le juge a promis de travailler avec diligence et il a assuré aux deux groupes qu’il comprenait la portée de cette cause, si bien qu’il y accorderait tout le temps et toute l’énergie nécessaires pour arriver à un verdict exhaustif. Il n’a cependant pas fourni d’échéancier, et Ken ne s’attend à aucun développement avant le début de 2017.
Il croit aussi qu’advenant une décision qui ne serait pas en faveur des écoles catholiques, ces dernières feraient probablement appel, et la cause pourrait se retrouver en Cour Suprême.
D’ici-là, c’est l’attente.
« Nos avocats seront avertis par un simple courriel du juge, » explique Ken. « On ne sait pas quand ça arrivera, alors en attendant, nous devons rester optimistes et croire que l’école catholique occupe une solide et nécessaire place dans le système scolaire de la Saskatchewan. Nous sommes remplis d’espoir, mais il reste que l’issue finale est entre les mains d’un seul homme. »
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